Le lab de Bastille
#Expertise

Faut-il vraiment préférer les agences locales dans un appel d’offres local ?

Article paru dans le magazine Brief, numéro de mars 2022

 

Un lundi comme un autre. Le téléphone sonne.
– Bonjour c’est Brief. Toujours partant pour le sujet, là ?
– Euh ? le sujet comme dans “le sujet” ?…
– Oui oui !
– Euh…

 

30 ans de communication publique m’ont appris une chose : ne jamais reculer devant l’obstacle. Alors je prends mon élan… Car le sujet dont on parle, beaucoup s’y reconnaîtront sans savoir vraiment par quel bout le prendre. Allez, je me lance :

Il existe une pratique implicite qui consiste à privilégier les agences locales lors des appels d’offres de communication, sauf quand l’expertise attendue n’est pas présente sur le territoire. Une sorte de préférence nationale, mais locale… Ce n’est heureusement pas systématique, mais fréquent et suffisamment entré dans les mœurs pour que les agences locales râlent un peu quand d’aventure une agence exogène gagne le marché en question. Surtout s’il s’agit d’une agence parisienne…

 

Les arguments économiques — “l’argent public local doit irriguer prioritairement le tissu économique local” — et politiques — “il est bien ‘normal’ qu’un élu satisfasse en premier ceux qui l’ont placé là où il se trouve” — font parties des critères implicites souvent imposés “d’en haut” et intégrés de manière tacite CAO après CAO. Ils embarrassent parfois — souvent ? — les responsables de communication qui se retrouvent à collaborer avec des agences moins qualitatives sous prétexte qu’elles sont locales. Cette pratique — faut-il le rappeler ? — est illégale : elle relève du favoritisme. Imaginons tout de même que l’on soit autorisé à choisir une agence en fonction du lieu où elle réside. Je voudrais vous démontrer — tout à fait objectivement bien sûr — pourquoi dans ce cas, il serait au contraire tout à fait préférable de privilégier les agences parisiennes dans les consultations locales. Les arguments ne manquent pas :

  • Choisir une agence parisienne, c’est se donner les moyens de constater que la proximité ne rend pas plus talentueux. La distance non plus, d’ailleurs.
  • Choisir une agence parisienne, c’est évidemment préserver l’environnement. Les agences parisiennes sont en effet les plus proches en temps et en distance de toutes les régions de France à la fois, là où les agences locales sont certes proches de leur territoire mais loin de la plupart des autres. Les agences parisiennes se déplacent principalement en train, qui est comme chacun le sait un des moyens de transport les moins polluants (contrairement à la voiture qui reste le mode de transport local privilégié).
  • Choisir une agence parisienne, c’est permettre à ses équipes de quitter quelques heures l’enfer parisien, de redécouvrir le chant des oiseaux et de retrouver l’odeur de la nature. Et, qui sait, peut-être, leur donner l’idée de devenir de futurs habitants ?…
  • Choisir une agence parisienne, c’est permettre à ces mêmes équipes de retourner dans leur terre natale. Car elles n’ont de Parisiens que l’apparence. Aussitôt le périph’ passé reviennent les accents chantants, le goût pour le terroir, les passions folkloriques… Elle Marseillaise, lui Sannoisien, elle Mespaulienne.
  • Choisir une agence parisienne, c’est assurer la paix sur le territoire en évitant les conflits inutiles entre agences locales.
  • Choisir une agence parisienne, c’est enfin vous donner un excellent prétexte pour venir visiter Paris.

 

Bref, derrière cette démonstration facétieuse, que vous aurez bien sûr lue au second degré, demeure la vraie question : privilégier une agence locale, lorsqu’elle n’est pas la meilleure dans la réponse à une consultation, relève-t-il encore de l’intérêt général ?

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