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Les Internets nous ont tendu deux pièges

Piège n°1 : la course de vitesse

Le premier piège concerne les éditeurs de sites. Ce média devenu un support de communication incontournable pour les entreprises et les institutions, leur impose un rythme de production d’actualités quasi quotidien si elles ne veulent pas apparaître comme apathiques, dépassées, voire moribondes. L’organe crée donc la fonction, et des hordes de forçats de l’information se retrouvent à devoir partir à la chasse à l’actu pour satisfaire l’appétit inextinguible de leurs ogres.com dont leurs voraces rejetons se nomment Facebook, Twitter et Linkedin. Il en résulte le plus souvent des informations pléthoriques, superflues, à la production coûteuse, et, plus grave, habitées par la prétention de croire que le seul fait d’être publiées suffirait à attirer d’innombrables lecteurs. Car la question qui n’est plus posée — que l’on ne veut plus vraiment se poser, détournant le regard des statistiques — est :

Une entreprise ou une institution a-t-elle une actualité qui justifie qu’elle produise des informations quasi quotidiennement ? Et surtout le lecteur souhaite-t-il ou a-t-il besoin d’être informé en permanence sur cette même entreprise ou institution?

Face à cette infobésité à laquelle participent tous les éditeurs de sites, la journée n’en reste pas moins de 24h pour les lecteurs. La plupart de ces informations passent donc à la trappe avant même d’avoir été lues.

 

Piège n°2 : la sur-sollicitation

Le second piège est celui qui a été tendu au lecteur : n’avoir le choix, pour suivre l’actualité des sites qui les intéressent, soit d’y retourner sans cesse, soit d’en être notifié, donc dérangé à tout instant.

Pris au piège de la rapidité numérique, fascinés par cette facilité de publication et de diffusion, les entreprises et les institutions, d’une part, et leurs publics d’autre part, se trouvent dépassés par ce format de publication qui leur impose sa loi au détriment de toute rationalité. Aujourd’hui, tous les formats éditoriaux et de publications proposés par Internet, et ils ne sont pas si nombreux finalement — site, blog, réseaux sociaux, mail — nous assujettissent à leur immédiateté.

 

Une autre voie est possible

Et si nous proposions aux publics un autre contrat de lecture, moins intrusif, plus respectueux de leur santé psychique, plus en phase avec la réalité et le rythme informationnel de l’entreprise ou de l’institution ? Un contrat qui ne mette pas tout le monde en stress avec ce sentiment ambivalent d’en produire ou d’en lire toujours trop ou pas assez ? Pour cela, il est intéressant de se retourner vers un média que l’on connaît bien : le périodique papier.

Qu’avons-nous perdu sans nous en rendre compte de plus important dans le passage au numérique ? Le papier ? non, c’est la périodicité, c’est-à-dire le rendez-vous régulier entre un média et son lectorat.

 

La périodicité est fondamentale à plus d’un titre :

– Elle installe un rythme, une régularité, un contrat entre les deux parties, là où le média numérique impose sa précipitation, son impatience.
– Elle permet de s’adapter à la réalité médiatique de l’institution ou de l’entreprise. Toutes n’ont pas besoin d’informer leurs publics en permanence. Avec la périodicité chacune décide de son tempo et ne subit pas le diktat de l’immédiateté.
– Elle permet le répit entre deux rendez-vous. Elle offre de la liberté, elle laisse la place à une respiration, elle redonne le choix. Là où le numérique se révèle essentiellement intrusif, liberticide.
– Elle laisse le temps au désir de s’installer, de se déployer, puis enfin d’être satisfait. Là où le plaisir suscité par le numérique relève davantage de l’addiction.
– Elle permet le dévoilement lorsque le nouveau numéro arrive.
– Elle fait de ce rendez-vous un moment privilégié, émotionnel, événementiel.
– Elle permet de ne produire que ce qui est juste et nécessaire et ne plus être dans cette frénésie de publier sans cesse.
– Elle permet d’installer une linéarité de lecture qui rend possible la démonstration quand les sites ne sont que des successions d’informations.

 

Nostalgie du futur

Alors ne croyez pas que je sois en train de tomber dans la nostalgie du “c’était mieux avant” en mode “back to the trees”, incantation de l’oncle Vania dans le roman Pourquoi j’ai mangé mon père ? de Roy Lewis. Je sais aussi tout ce que nous apporte le numérique en terme de fonctionnalités, de partage, de stockage, de recherche, d’économies…

Il s’agit plus de savoir s’il y a un moyen de réinjecter de la périodicité dans le numérique, si nous ne pouvons pas imaginer un nouveau format de média digital qui s’en réapproprie toutes les vertus. Un média plus apaisé, plus respectueux de ceux qui le produisent comme de ceux qui le lisent. Un média qui se donne les moyens de faire de son rendez-vous avec son lectorat, une rencontre affinitaire, tout en bénéficiant de tous les avantages du numérique.

C’est ce que nous avons voulu faire en créant la plateforme Ridmi. Ridmi c’est la possibilité pour tous les éditeurs de contenu de proposer à leurs publics un nouveau format de média numérique. Il peut soit être la transposition numérique d’un périodique papier — le meilleur des deux mondes en quelque sorte — soit être conçu comme un nouveau média en complément ou en alternative au site. En proposant Ridmi, nous avons voulu apporter notre petite contribution aux propos de Eben Moglen, professeur à l’Université de Colombia, interviewé par l’ADN, qui se demande “comment utiliser ces technologies [numériques] pour rendre l’être humain meilleur et comment éviter que la machine ne détruise l’écologie de notre esprit” et d’imaginer un monde où existerait un « droit universel à être laissé tranquille».

Bientôt de nouveaux billets sur les sujets du slow media et de la valorisation des contenus dans la communication des institutions et des entreprises. Si cela vous intéresse, suivez-nous sur medium ou sur Ridmi.io

Par Xavier de Fouchécour, Directeur Général de l’agence Bastille et co-fondateur de Ridmi.io

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