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Les villes moyennes sont-elles condamnées à déprimer ?

Xavier de Fouchécour, Président de Bastille, s’interroge sur les effets collatéraux du marketing territorial des grandes métropoles sur les villes petites et moyennes.

Il est aujourd’hui convenu de dresser un portrait assez noir des villes françaises de taille moyenne. Comment la France a tué ses villes ? s’interroge Olivier Razemon dans son livre éponyme qui explique comment les centres commerciaux qui fleurissent en périphérie des villes, le plus souvent avec l’aide des édiles locaux, en ont asséché le cœur. Dans son Tour de France des villes incomprises, Vincent Noyaux s’intéresse “aux vilains petits canards du tourisme hexagonal, aux derniers de la classe, au ventre mou du pays” pour tenter à travers son périple, qui l’a mené dans douze villes où “rien ne devait racheter la médiocrité du lieu”, de réhabiliter le côté obscur de la France.

 

Lorsqu’on est spécialiste de marketing territorial, il n’est pas évident d’avoir à valoriser de tels territoires. Bon sang, quels sont les arguments sur lesquels nous allons bien pouvoir nous appuyer pour faire naître un début de commencement de sentiment d’attirance ? D’autant que les habitants de ces lieux, et c’est là que je voulais en venir, ont souvent intégré le jugement négatif qu’on portait sur eux. Non pas qu’ils fassent nécessairement leur ces appréciations — la plupart du temps, ils sont plutôt contents de vivre là — mais ils prennent comme une donnée que les personnes extérieures ont nécessairement un jugement négatif sur leur territoire. Ce complexe d’infériorité se nourrit évidemment de la comparaison avec d’autres territoires plus avantagés. La question que je me pose aujourd’hui est de savoir si le marketing territorial n’accentue pas ce phénomène. En d’autres termes, les territoires qui ont les atouts et les moyens de déployer urbi et orbi des campagnes de communication, renvoyant une représentation magnifiée d’eux-mêmes, ne contribuent-ils pas à enfoncer encore un peu plus dans leur dévalorisation, voire leur déprime, les territoires qui, se comparant à eux, n’ont ni les moyens, ni les critères pour en faire autant ?

 

Si “le bonheur n’est peut-être que le résultat d’une comparaison”, dit un adage, il est probable qu’il en soit de même avec le malheur.

 

Plus positivement, changer la perception, c’est d’abord arrêter de se comparer. C’est reconnaître le plaisir d’être soi, c’est porter un autre regard sur son territoire, sa raison d’être. C’est se poser la question du développement que l’on souhaite pour son territoire, s’interroger sur les chemins qui y mènent et sur les ressources locales qui permettraient d’y parvenir. C’est chercher dans son ADN, dans ce qui fait la spécificité de chaque territoire des ingrédients d’une recette unique, qui ne sera peut-être pas digne d’un chef étoilé mais ravira nos papilles.

“Un lieu n’est insipide que parce qu’on l’a décidé” écrit Vincent Noyaux en conclusion de son Tour de France, qui ajoute : “ces lieux ont quelque chose à nous dire. Il suffit de savoir les écouter”. Et de les faire parler…

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