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Marketing territorial : quel rôle dans la transition écologique ?

Une vision réductrice du marketing territorial consiste à n’y voir qu’une mise en concurrence des territoires. Pourtant, ses techniques ont la vertu de rassembler autour d’un projet, de produire une identité, des récits et une dynamique collective. Le plus souvent, elles ont été consacrées au développement économique. Et si on mettait ces méthodologies collectives au service de la transition écologique ? Le modèle marketing classique “gagnant / gagnant” est en train de bouger. La mondialisation économique, politique et socioculturelle, tout comme la crise sanitaire, font évoluer nos systèmes de valeurs et nos prises de conscience. Dans le cas des entreprises marchandes, par exemple, le consommateur fait de plus en plus intervenir des considérations sociétales et humaines dans sa décision d’achat. D’après l’étude « In Brands We Trust », publiée par l’agence Edelman en 2019, les Français sont 70 % à choisir, éviter ou boycotter une marque selon ses prises de position sociétales, contre 50 % en 2017. Un troisième “acteur” réclame aujourd’hui sa part de “win” : l’écosystème. Compris ici dans la définition qu’en donne Wikipedia : « un ensemble formé par une communauté d’êtres vivants en interrelation avec son environnement. »

 

Dans ce nouveau modèle, la relation gagnante se fait à trois dans une logique “win / win / win” où la profitabilité de l’échange doit aussi bénéficier à l’écosystème. Les collectivités et institutions engagées dans la transition écologique s’inscrivent de facto dans ce modèle avec la prise en considération de l’écosystème dans les services proposés. Mais leur vision se résume le plus souvent à une longue liste d’actions à mener à échéance 2030 ou 2050 dans lesquelles se glissent quelques actions de communication de sensibilisation. Il y a encore trop peu de stratégies et de dispositifs de communication de collectivités qui prennent vraiment en compte l’existence de l’écosystème local.

 

Cette prise de conscience a pourtant des bienfaits. D’abord, elle nous responsabilise : nous sommes tous parties prenantes, reliés par des liens fragiles et précieux. Ensuite, elle nous montre que l’écosystème n’est ni la propriété de la collectivité, ni de sa seule responsabilité. Elle nous permet aussi de passer d’une mentalité de client à un comportement d’acteur plus responsable : que suis-je prêt à faire pour la préservation de notre écosystème partagé ? Enfin, elle permet d’appréhender le territoire non pas seulement dans ses limites administratives mais comme bioterritoire.

 

« Il y a encore trop peu de dispositifs de communication de collectivités qui prennent vraiment en compte l’existence de l’écosystème local. »

 

Comme son nom l’indique, la transition est un moyen et non un but. Elle est souvent un état inconfortable. Ce qui nous la rendra acceptable et même désirable, c’est l’objectif visé, c’est savoir pourquoi on agit, c’est la promesse. Définir et co-construire précisément cette promesse (que promet-on ?) avec des termes compréhensibles et “aspirationnels”, non plus seulement dans une approche corrective — réduire, économiser, maîtriser, éviter… — mais à travers un récit désirable, incarné, co-construit, de proximité, est une condition de la réussite de la transition écologique d’un territoire. En posant ainsi les termes de l’équation, la collectivité peut donner à percevoir le dynamisme qu’elle rend possible : créer et favoriser les conditions d’une relation toujours plus heureuse, plus saine et plus harmonieuse de l’humain avec lui-même, avec les autres et donc avec l’écosystème, qui devient un autre nom pour dire “territoire”. Dans cette transition des sensibilités, où l’éthique a toute sa place, la communication et les outils du marketing peuvent se révéler de puissants leviers à travers ce qu’on pourrait nommer un « marketing à mission », pour reprendre la terminologie utilisée par les entreprises qui se donnent une raison d‘être. Non plus seulement au service du développement économique, mais pour la mise en valeur et en harmonie du territoire pour lui-même, en tant qu’écosystème, en partant du principe qu’un territoire où l’expérience d’habiter est source de joie — et pas seulement d’un bien-être galvaudé — s’en révèlera d’autant plus attractif.

 

Xavier de Fouchécour, président de Bastille, pour
Brief Mag, le magazine de la communication publique.

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